Un matin, au Mur

Publié le par Corinne Ferré

On est en avril, le 22 avril 2010. Il est tôt à Jérusalem mais il fait déjà jour. Il fait frais, la journée promet d'être belle. Nous sommes à la fin du voyage, au bout de l'ultime périple, au coeur de la Ville Sainte.

On a vu le soleil se lever sur le désert, parcouru la Judée, remonté le Jourdain, admiré la Jordanie au loin, touché l'eau de la mer morte, rêvasser sur les rives du lac de Tibériade, pris le bâteau pour aller vers Carphanaüm et le mont des Béatitudes, franchi le mur pour entrer à Bethléem, on s'est agenouillé dans la basilique de la Nativité et puis un soir ...est apparu Jérusalem, on y était enfin.

Ce matin on va au Mur. Ce Mur dont on parle tant, ce Mur si souvent filmé, raconté, bataillé, et disputé.

Ce matin, après les petites ruelles de la vieille ville, on franchit le dernier check point, et le sac fouillé, les militaires dépassés, je me retourne...Il est là devant moi. Je suis venue sans idée précise, sans arrière pensée, sans volonté définie; je suis venue voir un mur sanctifié de prières et un mur rescapé des destructions du Temple, des pierres et des hommes devant. Et en descendant les marches de l'escalier, je pense à ma mère, et un soupir d'enfant monte en moi: "maman, ça y est j'y suis!" Pourquoi cette parole? Je ne sais pas mais le sentiment qui nait ressemble à ces moments ultimes d'une vie, ces moments uniques qu'on a envie de partager, et pourtant je suis incapable de parler.

Je confie l'appareil photo à une amie et j'avance. Et plus j'avance et plus je vois trouble: l'émotion me submerge, je ne m'y attendais pas. Ce mur me parait immense, de plus en plus haut...puis une voix me murmure :" tu vois Je suis là, tu vois je te donnerai tout ce dont tu as besoin!" Et Il est là...Je n'arrête pas de pleurer. Je glisse mon petit billet dans une fente, je pose mon front sur la pierre, je l'effleure et je sais déjà que toute ma vie je ressentirai les aspérités de la pierre du Mur juste en fermant les yeux, je sais déjà que je n'en partirai jamais, je sais déjà qu'une partie de moi va rester là.

Je n'arrive pas à me retourner pour partir, je ne peux que reculer, mes yeux sont scotchés au Mur. La cérémonie de Bar Mitzva qui se déroule juste à côté me distrait à peine, j'admire les reliures du rouleau de la Torah mais mon regard est devant, sur le Mur.

Il faut bien partir, tout le monde monte déjà vers l'esplanade des mosquées. Je les suis, je range mon émotion en moi.

Je mettrai des années à mettre un nom sur cette émotion, la plus vraie de ma vie car tout prend soudain un sens avec ce moment: mon passé, ce voyage, les rencontres, les années qui précèdent et qui m'ont menée jusqu'ici.

Car un matin, au Mur, je L'ai rencontré, et Il ne m'a plus quittée.

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